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Quand la foi et le pouvoir s’embrassent… et que le peuple paie l’addition.  Par Ndiawar Diop

Quand la foi et le pouvoir s’embrassent… et que le peuple paie l’addition. 

Par Ndiawar Diop

L’Afrique est riche, non seulement de ses terres et de ses ressources, mais surtout de ses hommes, de sa foi, de sa culture et de ses symboles. Pourtant, une confusion dangereuse s’est installée dans bien des esprits : celle qui mêle religion et politique, foi et pouvoir, espérance et illusion.

La nation appartient à tous. La religion, elle, est affaire intime, personnelle, intérieure. Malheureusement, les politiciens de notre époque l’ont bien compris… mais pour mieux la détourner. On les voit, à chaque veille électorale, arpenter les maisons des chefs religieux, multiplier les gestes de piété publique, distribuer des enveloppes avec un sourire feint. Ils saluent les foules dans les mosquées, pleurent dans les églises, se prosternent dans les sanctuaires. Mais ils ne croient pas à ce qu’ils montrent. Ils ne viennent pas pour prier, mais pour compter. Ils ne cherchent pas la bénédiction divine, mais la majorité électorale.

Et une fois élus, les masques tombent. Les promesses s’envolent. Le peuple est oublié. Les chefs religieux deviennent encombrants, et les lieux de culte ne sont plus que décor. L’homme de pouvoir n’a plus besoin d’être vu, car il est déjà là où il voulait être : au sommet. C’est là que commence une autre phase, bien plus préoccupante : celle du tripatouillage de la constitution. On modifie les textes, on interprète les lois, on tord les règles pour allonger les mandats. Comme le dit un proverbe africain : « Si le courant de la rivière est trop fort, il faut parfois renoncer à l’affronter. » Mais nos dirigeants, eux, préfèrent construire des barrages artificiels autour du peuple, pensant contenir ses colères indéfiniment.

Pendant ce temps, l’argent du contribuable s’évapore. Il se volatilise dans des projets surfacturés, des marchés fictifs, des ministères budgétivores. Le mouton noir, comme on dit, celui que l’on ne voit pas en plein jour, on ne le verra pas non plus une fois la nuit tombée. Et cette nuit, c’est celle de la justice sélective, des institutions muselées, des organes de contrôle endormis. Quand on cherche cet argent, on nous répond avec des rapports bien ficelés, mais sans suites. Les grands voleurs dorment tranquilles, pendant que les petits sont livrés à la vindicte.

Mais qu’ils se méfient : « Quand le cours d’eau change d’itinéraire, le caïman est obligé de le suivre. » Le peuple change. Il observe, il apprend, il rumine. Et viendra un jour où il exigera des comptes, non pas avec des prières, mais avec des actes. Ce jour-là, aucun discours, aucune alliance religieuse ne suffira.

Dans ce théâtre, les guides spirituels ont un rôle crucial. Leur voix devrait être celle de la vérité, de la justice et du rappel moral. Mais lorsqu’ils deviennent silencieux devant l’injustice, lorsqu’ils s’alignent trop souvent avec les puissants, ils perdent leur pouvoir sacré. « Le griot qui loue un roi injuste devient sourd aux plaintes du village. » La religion ne peut pas être l’ombre protectrice de l’impunité. Elle doit rester le phare qui éclaire, pas le rideau qui cache.

Le peuple, lui, reste croyant. Il prie, espère, patiente. Mais il doit comprendre que la foi n’est pas l’ennemie de la lucidité. Croire en Dieu ne signifie pas faire confiance aveuglément à ceux qui nous gouvernent au nom de Dieu. L’humilité ne doit pas être synonyme de passivité. L’espoir ne doit pas tuer l’action.

Car « celui qui dort sur ses deux oreilles pendant que sa maison brûle ne doit pas se plaindre des cendres. » Le peuple doit s’éveiller. Observer, questionner, voter en conscience, refuser les manipulations. Il ne s’agit pas de rejeter la foi, mais de séparer les chemins. Le spirituel n’a pas à valider l’inacceptable. L’électeur n’a pas à se transformer en fidèle soumis.

L’heure est grave. Le continent africain regorge de talents, de ressources et de promesses. Il est temps que ceux qui le dirigent s’élèvent à la hauteur de sa dignité. Il est temps que les citoyens ne choisissent plus des marabouts politiques, mais des leaders visionnaires.

Le peuple est une force tranquille, mais déterminée. Il est comme un fleuve. Il semble lent, mais rien ne l’arrête. Et comme le dit la sagesse africaine : « Quand le fleuve veut passer, même les rochers finissent par céder. » Que ceux qui gouvernent s’en souviennent. Que ceux qui votent en prennent conscience.

Pensez-y, chers amis. Pensez-y très sérieusement.
L’Afrique ne changera pas par les prières seules, mais par des peuples qui prient, agissent, et refusent d’être trahis.

Par Ndiawar Diop
www.ndiawardiop.com

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